Comment la spiruline pourrait-elle combattre la malnutrition au Togo ? C’est la question que se sont posées Clémence et Félicie dans le cadre d’une épreuve du baccalauréat – Interview
Interpellées par la spiruline et les actions humanitaires, Clémence et Félicie, deux lycéennes drômoises de 1ère scientifique, ont décidé de consacrer leur sujet de Travaux Personnels Encadrés (TPE) à cette microalgue prometteuse. À travers un voyage fictif, elles vous emmènent au Togo à la rencontre de sa population et d’un producteur de spiruline (qui lui, est bien réel !).
Résultat : sur un air de « Mama Spirulina » des Spiruchons, c’est un site internet original et documenté que nous proposent ces deux jeunes filles. Encourageant pour la spiruline et son développement.
La Planète Spiruline voulait en savoir plus !
Vous avez choisi de vous intéresser à la spiruline pour votre épreuve de TPE, pouvez-vous nous en dire plus ?
Les TPE consistent à travailler en groupe de façon autonome durant six mois, avec tout de même un encadrement de deux professeurs. L’objectif est de réaliser une production finale (sous forme de vidéo, site web, dossier, etc.) et de la présenter lors d’un oral. Le sujet et la problématique sont au choix des élèves, ainsi nous nous sommes demandé en quoi la spiruline pourrait combattre la malnutrition au Togo. Nous sommes, en effet, toutes les deux intéressées par ce problème mondial qui cause chaque année 9 millions de décès.
Nous avons alors mené nos recherches grâce à des livres, journaux scientifiques et sites internet. Nous voulions également prendre contact avec des professionnels et des consommateurs de spiruline afin qu’ils nous apportent leurs aides, savoirs et expériences.
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Nous avons ainsi rencontré Cédric Coquet, un producteur drômois passionné de spiruline. Celui-ci a effectué plusieurs voyages humanitaires au Togo afin de faire connaitre cette algue miracle et de construire des fermes de spiruline. Il nous a permit de nous appuyer sur un exemple concret, puisque son ami Tona Agbeko est un spirulinier togolais.
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Un technicien chimiste a contribué à notre projet en réalisant le dosage du fer contenu dans la spiruline. Nous avions déjà tenté cette expérience au lycée mais ce fut un échec faute de matériel adéquat.
Pour finir nous avons choisi de présenter notre travail sous la forme d’un site internet, espérant ainsi pouvoir faire découvrir la spiruline et son combat contre la malnutrition à d’autres personnes intéressées.
Le choix du sujet est plutôt original, comment vous est venue cette idée ?
Clémence : « Ma sœur avait vu, il y a quelques années, un reportage à la télévision sur cette algue qui fait des miracles en Afrique. Cela l’avait beaucoup intéressée et elle m’avait alors fait découvrir la spiruline. Quand les cours de TPE ont commencé, j’y ai repensé et j’ai montré à mon tour le reportage à Félicie. »
Félicie : « Je n’avais jamais entendu parler de cette microalgue avant cette année. Ainsi c’est avant tout de part son originalité que nous avons choisi ce sujet. Dès nos premières recherches nous nous sommes rendu compte que dans notre entourage peu de personne connaissait la spiruline, nous voulions alors en savoir plus. Étant également intéressées par les actions humanitaires, nous avons préféré nous renseigner sur son combat contre la malnutrition plutôt que son utilisation comme complément alimentaire en France. »
Quelle est la situation au Togo concernant la malnutrition ?
La malnutrition au Togo est alarmante. Parmi les cinq régions qui composent le pays, trois sont particulièrement touchées : les régions Maritime, de la Kara et des Savanes. Comme partout ailleurs la malnutrition concerne avant tout les enfants :
- 97% des jeunes togolais reçoivent une alimentation qui ne répond pas aux critères nutritionnels de quantité et qualité.
- Ainsi environ 50 000 enfants sont atteints de malnutrition aiguë et plus de 5% de ces enfants meurent avant leur cinquième anniversaire.
- Le taux national de malnutrition, qui s’élève à 14,3%, dépasse alors le seuil critique fixé par l’OMS à 10%.
Les femmes allaitantes et les personnes âgées sont elles aussi touchées par la malnutrition. En moyenne les togolais ont une santé correcte jusqu’à 45 ans et une espérance de vie de 55 à 60 ans. Outre ces chiffres, ce sont les grandes inégalités avec la France qui marquent les esprits. En effet les villageois togolais n’ont pas accès à l’eau courante, aux soins médicaux, aux fruits, légumes et poissons. La recherche d’eau est alors une question vitale au quotidien et leur alimentation reste très peu variée : même céréale et même sauce deux fois par jour.
Où en est aujourd’hui le développement de la culture de spiruline dans ce pays ?
La majorité de la spiruline disponible au Togo est importée des États-Unis ou de Chine. Son prix, alors trop élevé, ne permet pas aux populations défavorisées de s’en procurer. En effet le développement de la culture artisanale est récent. Tona Agbeko fut l’un des premiers, en 2004, à construire une ferme de spiruline. Ensuite, en 2008 a eu lieu le Colloque International de Spiruline à Agou Nyogbo, au Togo, depuis la production locale de spiruline s’est intensifiée. Des associations comme Antenna Technologies ou Entrepreneurs du Monde œuvrent pour sensibiliser les populations et vendre à bas prix la spiruline dans le pays.
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Pourtant son utilisation n’est, pour l’instant, pas soutenue par les agences intergouvernementales. Au Togo, comme dans les autres pays en développement, la spiruline doit se faire connaitre et accepter, avant tout par les scientifiques encore réticents à son usage.
Les humanitaires, persuadés de l’efficacité de la micro algue, gardent cependant espoir : la perception de la spiruline est amenée à évoluer dans les prochaines années, d’autant plus que sa production locale dans les pays défavorisés permet de générer des emplois et donc d’augmenter le niveau de vie.
Est-ce qu’après avoir réalisé ce voyage fictif au Togo, cela vous a donné envie d’y mettre les pieds pour de vrai ?
Nous ne sommes jamais allées en Afrique et avant ces TPE nous connaissions la situation du continent sans trop de détails. Lorsque nous avons pris contact avec Cédric Coquet, il nous a proposé de nous amener au Togo. Ce ne fut possible mais cela nous a donné l’idée d’un voyage fictif. De cette façon nous pouvions entrevoir la réalité de la vie togolaise. Pour l’instant, un tel voyage n’est pas dans nos projets, nous nous concentrons d’abord sur nos études… mais peut-être dans quelques années !
Finalement, au regard de votre travail, que retiendrez-vous de vos recherches sur la spiruline ?
Ce que nous retiendrons de cette expérience sont les relations que nous avons pu créer. Une grande partie des connaissances acquises est due aux professionnels que nous avons rencontrés et qui nous ont aidés. Nous les remercions alors pour leur implication et le temps qu’ils nous ont consacré.
Notre travail nous a permis d’ouvrir davantage les yeux sur le monde qui nous entoure, ses problèmes et ses réalités. Nous nous souviendrons de ces TPE comme une expérience humaine riche en connaissance nous ayant permit de découvrir une microalgue, qui, nous le souhaitons, permettra de lutter contre la famine dans le monde.
Vous avez le mot de la fin…
Nous voudrions, pour conclure cette interview, partager une citation de Ripley Fox. Ce pionnier dans l’utilisation de la spiruline pour combattre la malnutrition répond ici aux personnes réticentes :
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« En Orient, la preuve n’est pas sur le papier, mais dans les sourires et les cris de joie des enfants qui, s’ils n’avaient pas reçu de spiruline, auraient rejoint dans les statistiques les 600 000 000 autres qui sont morts depuis la dernière guerre mondiale. Il est vrai que ce chiffre peut vous hanter la tête et le cœur. C’est certainement une question de moralité. […] La malnutrition n’est pas une maladie, c’est un fait politique ».
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Nous espérons alors que, comme nous, vous vous intéresserez à cette solution contre la faim dans le monde.
Nous tenons également à remercier Florian Déchand qui nous a laissé la possibilité de présenter notre travail.
Planète Spiruline : Un grand bravo et merci à elles pour leur démarche et leur curiosité. Voir deux jeunes se passionner pour ces sujets, c’est vraiment porteur d’espoir. Nous leur souhaitons une bonne continuation et plein de réussite pour leur parcours. Et bien sûr, Clémence et Félicie, nous vous souhaitons également d’effectuer un voyage fictif en Afrique, pour des souvenirs inoubliables.
Le site internet présenté par Clémence et Félicie, comme production finale de leur TPE :
SPIRULINE AU TOGO